La loi sur la « représentativité syndicale » retoquée au tribunal

, par udfo30

La récente réforme destinée bouleverser le paysage social pour contenter le MEDEF, la CGT et la CFDT a été sérieusement écornée par les juges de Brest, pour qui elle constitue « une ingérence dans le fonctionnement » des organisations de salariés.

La loi du 20 août 2008 réformant la représentativité syndicale, fondée sur la « position commune » adoptée le 10 avril 2008 par le MEDEF, la CGPME, la CGT et la CFDT, constitue une entrave aux libertés syndicales fondamentales. C’est le tribunal d’instance de Brest qui le dit en substance dans une décision du 27 octobre statuant sur la légalité de la désignation d’un délégué syndical dans une entreprise du Finistère. Il avait été saisi par la direction de SDMO Industries et la CFDT, après que FO eut désigné un délégué syndical qui avait recueilli moins de 10% des voix aux élections professionnelles, seuil fixé par la réforme.

« L’obligation de choisir le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10% des voix est contraire à la liberté syndicale et constitue une ingérence dans le fonctionnement syndical », a tranché le tribunal. Pour lui, cette obligation a d’abord « pour effet d’empêcher FO de participer à toute négociation au sein de l’entreprise, élément essentiel du droit syndical qui n’est pas compensé par la possibilité de désigner un délégué syndical », alors qu’il « s’agit d’une organisation représentative au niveau national » et qu’elle a obtenu 12% des suffrages exprimés dans le collège ouvrier de SDMO Industries. Mais surtout au regard des textes internationaux sur la liberté syndicale et le droit de négociation collective, les juges estimant que la réforme a pour conséquence « d’inciter les électeurs (salariés) à se détourner d’un syndicat dépourvu de tout pouvoir » et d’empêcher « tout syndicat de s’implanter dans une entreprise ». Quitte à favoriser « les situations acquises, voire les monopoles ».

De fait, poursuit le juge, elle tend à « réduire progressivement le nombre d’organisations syndicales » au détriment de la liberté d’expression dans l’entreprise et en détournant « les salariés de toute adhésion à un quelconque syndicat ». Enfin, ajoute-t-il, elle donne la « prépondérance aux représentants élus au détriment de la représentation désignée ». Et ce contrairement à l’esprit et à la lettre du droit international, qui vise justement « à contrebalancer les pressions susceptibles d’être exercées sur l’électorat au sein des entreprises ». _ Le magistrat met en avant l’article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (texte fondateur du Conseil de l’Europe), qui « consacre la liberté syndicale » et « interdit toutes restrictions autres que celles nécessaires à la sécurité nationale, à la sûreté publique (...) ou à la protection des droits et des libertés d’autrui ».

« Il s’agit d’une victoire pour la liberté syndicale et le libre choix des salariés de s’organiser librement pour défendre leurs intérêts, faire valoir leurs droits et négocier les accords », s’est félicitée l’union départementale FO du Finistère (UD-FO), dont l’initiative avait été appuyée par sa confédération. Pour FO, « elle met en échec la volonté de ceux qui veulent tuer la liberté syndicale, la liberté d’expression et de revendication ». La CFDT a d’ailleurs décidé tout comme le gouvernement, de déposer un recours en cassation contre ce jugement qui consacre une liberté syndicale qui lui semble visiblement excessive.

La loi du 20 août 2008 réformant la représentativité syndicale, fondée sur la « position commune » adoptée le 10 avril 2008 par le MEDEF, la CGPME, la CGT et la CFDT, constitue une entrave aux libertés syndicales fondamentales.