L’éducation nationale (contribution au congrès de 2006)

, par udfo30

L’ENSEIGNEMENT, LA CULTURE ET LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Contribution au XXVIème Congrès de l’Union Départementale FORCE OUVRIERE du Gard.

Depuis le précédent congrès de notre Union Départementale, un véritable bouleversement est en cours dans le secteur dont j’ai la charge au titre de membre du Bureau Départemental. Ce bouleversement est rendu institutionnellement possible par la modification de la Constitution qui stipule désormais que la République « est décentralisée ». Le cadre étant ainsi fixé par l’adaptation des institutions du pays aux exigences de l’Europe des traités et sommets de Maastricht, Barcelone, Nice et Lisbonne, un véritable travail de dépeçage d’acquis en matière d’ enseignement, de culture et de formation professionnelle vieux de plusieurs dizaines d’années, voire centenaires est engagé par un processus gouvernemental de privatisation - destruction.

Dès mars 2003, notre confédération publiait un document intitulé « Vers la privatisation de l’Ecole ? » ; ce document, élaboré avec la FNEC FP-FO, posait une question : « Va-t-on privatiser l’école ? ». L’analyse des réformes subies par l’Ecole à tous les niveaux établissait que « de fait, la laïcité, l’obligation scolaire, la gratuité, l’égalité et le statut des personnels sont en jeu ». Trois ans plus tard il est clair que le cours de cette politique et des contre-réformes imposées par les institutions internationales (banque mondiale, OMC, OCDE, Union Européenne) n’a pas été inversé. Au contraire, les trois dernières années ont vu la mise en œuvre de multiples lois, décrets, appliquant aux services publics en général et à l’Ecole Républicaine en particulier les orientations de rigueur budgétaire et de privatisation. Les cadres institutionnels de l’Ecole publique, le contenu des enseignements et les diplômes, le statut de fonctionnaire des personnels sont frontalement remis en cause et menacés de dislocation. Voyons en quelques exemples actuels :

1°) – Les transferts de missions et de personnels Techniciens Ouvriers et de Services de l’Education Nationale.

La loi du 13 août 2004 (régionalisation) est en réalité une loi de privatisation puisqu’en transférant les compétences, elle permet aux collectivités territoriales de les déléguer au privé. Le processus est engagé pour les services de restauration et d’hébergement dans les lycées et les collèges ; la délégation de service public c’est la privatisation ; les outils juridiques sont connus : création d’Etablissements Publics (EP) et de Groupements d’Intérêt Public (GIP) qui feront fonction de « sas » entre le public et le privé passant ainsi de la notion d’administration à celle d’entreprise. L’Etablissement Public a un budget annuel voté par la collectivité ; la gestion est ensuite libre : mutualisation, sous-traitance, externalisation. Dans ces établissements publics, les personnels seront rapidement en majorité des contractuels et les titulaires se verront proposer un nouveau droit d’option : passer sous régime privé ou revenir à la collectivité s’il reste des postes. A terme il n’y aura plus de fonctionnaires. L’établissement public préfigure la disparition de la fonction publique. La logique est très claire : on ouvre les vannes du transfert des fonctionnaires d’Etat vers la territoriale, on ne recrute plus sinon des contractuels précaires et on organise la privatisation de l’ensemble. Sur fond d’harmonisation européenne, la Fonction Publique Territoriale est utilisée comme fourre-tout avant liquidation. Dans ces conditions, n’est-il pas clair que c’est toute la Fonction Publique qui est menacée par les transferts et que les revendications des personnels TOS qui veulent garder leurs garanties de fonctionnaires d’Etat sont celles de tous les fonctionnaires ?

2° ) – La création des maisons du handicap

Les décrets d’application de la loi MONTCHAMP (11 février 2005) traitant de l’intégration scolaire obligatoire des enfants handicapés dans les classes ordinaires bafouent leurs droits aux soins et à l’instruction en détruisant à la fois l’éducation spécialisée et le statut des personnels concernés. La « Maison Départementale du Handicap » installée dans chaque département sous forme de GIP associera et fusionnera des structures publiques et privées (Etat, collectivités, associations …) ; les fonctionnaires concernés y sont transférés d’office en totale violation de leur statut sous son autorité depuis le 1er janvier 2006. Son instauration comme GIP enclenche un processus de privatisation. La dissolution des CDES et COTOREP s’accompagne d’une remise en cause des droits statutaires de ces personnels, en premier lieu les secrétaires de CDES. A terme, le ministère prépare le remplacement de cette mise à disposition par un financement des MDPH qui recruteraient sur le marché de l’emploi.

3°) – L’Education prioritaire

Le ministre de Robien a annoncé le 13 décembre la réforme des ZEP (zone d’éducation prioritaire). 3 collèges du Gard deviendraient à la rentrée 2006 des collèges « ambition réussite » ; parmi les 15 mesures proposées pour leur fonctionnement, on trouve pêle-mêle les notions de réseaux de réussite, parrainage culturel, service partagé « collège-école », fiches de poste et lettres de mission pour les quelques dizaines d’enseignants affectés dont le service serait gagé sur la suppression d’une demi-heure de cours dans les classes de 5ème et 4ème des autres collèges, livret de compétences et groupe de compétences pour les élèves, « écoles ouvertes » fonctionnant pendant les vacances, tutorat par des étudiants volontaires, aménagement d’une salle pour accueillir l’ « école des parents », dérogation systématique pour les affectations, les promotions et la définition du service des enseignants concernés. S’agit-il d’éducation prioritaire ? Ne s’agit-il pas plutôt d’un cheval de Troie concernant tous les établissements pour la dissolution des classes, écoles et collèges dans de vagues réseaux et la pulvérisation des statuts des personnels ?

4°) - Apprenti « Junior »

Ce dispositif destiné aux jeunes rencontrant des difficultés scolaires au collège priverait des dizaines de milliers d’entre eux de la moitié des heures de cours auxquelles ils ont droit. Ni réellement scolaires, ni réellement apprentis protégés par le Code du Travail, ils seraient livrés dès l’âge de 14 ans à l’exploitation. Il s’agit pour le ministère de priver les jeunes d’une véritable formation professionnelle débouchant sur un diplôme national reconnu dans les conventions collectives et les statuts en particulier en tarissant le recrutement des lycées professionnels. Justifiant ainsi la fermeture de milliers de section professionnelle, et aboutissant à la fermeture de centaines de lycées professionnels. Livrant ainsi les jeunes aux petits boulots, contrats précaires de la loi BORLOO.

5°) – Les PPMS (Plans Particuliers de Mise en Sûreté)

C’est sur la base de « conclusions » de l’observatoire national de la Sécurité (commission Schléret) que le ministre cherche à imposer de nouvelles obligations de services ni réglementaires, ni réglementées à l’ensemble des personnels. En leur demandant d’élaborer un PPMS école par école, établissement par établissement il leur fait directement porter la responsabilité morale et juridique des conséquences dramatiques d’évènements liés à des risques majeurs. En effet, les personnels de l’Education Nationale n’ont pas la compétence nécessaire pour définir ce qui doit être fait, et comment, ni les moyens, pour mettre en sûreté les élèves en cas d’inondations, tempêtes, accidents chimique ou nucléaire, tels que définis dans la circulaire élaborée par le ministère. Les autorités administratives et le ministère se dégagent ainsi pour leur part de toute responsabilité. C’est à l’Etat d’assumer ses responsabilités pour assurer la mise en sûreté des personnels et des élèves dans le cadre du respect scrupuleux du statut des personnels. L’institution du PPMS dans les écoles et établissements est utilisée comme moyen supplémentaire d’éclatement et de remise en cause des statuts de tous les personnels,.

6° ) – Le budget de l’Education nationale : Un budget de privatisation

Le budget est pour la première fois élaboré dans le cadre de la LOLF (Loi Organique de la Loi de Finance) : les crédits de personnels sont désormais fongibles (à sens unique) avec les crédits de fonctionnement ; ils sont ventilés dans le cadre des « Budgets Opérationnels de Programme Administratif en emplois et en masse salariale » (BOPA) qui sont le cadre de la dissolution de toute référence aux missions de service public de l’Etat, d’une part, et de toute référence aux statuts des fonctionnaires (Corps, grades, obligation de service) chargés de leur mise en œuvre réglementaire d’autre part. La LOLF est une machine à réduire le coût du travail, un logiciel de suppression de postes dans la fonction publique, les postes sont devenus la variable d’ajustement ; dans ces conditions des milliers de postes sont fermés aux concours de recrutement de l’Education nationale. Des milliers de postes sont fermés pour la prochaine rentrée scolaire.

7°) – Communauté éducative et intégration des syndicats

Cette politique de privatisation se développe en visant à tous les niveaux à associer les personnels et leurs syndicats à sa mise en œuvre sous couvert des intérêts supérieurs de la « communauté éducative » devant laquelle les représentants du personnel devraient abdiquer toute prétention à faire valoir les intérêts particuliers des salariés en matière de défense du statut et des conditions de travail. Il n’est pas une seule revendication qui ne pose le problème de la défense du statut général de fonctionnaire d’Etat et des trois titres de la Fonction publique et des statuts particuliers de tous les personnels du ministère de l’Education nationale. L’offensive en cours pour substituer l’évaluation-notation aux règles traditionnelles de notation des fonctionnaires donne tout son contenu à l’introduction des « méthodes de gestion des ressources humaines » dans la fonction publique en lieu et place des règles statutaires : arbitraire, clientélisme, promotion à la tête du client, destruction des instances paritaires, soumission aux projets … Pour privatiser la fonction publique il faut privatiser le statut c’est-à-dire le vider de sa substance en vue de le détruire.

8°) – La loi d’orientation de la recherche

soumise au Parlement veut organiser la recherche et l’enseignement supérieur dans le cadre de la compétitivité des entreprises. Les agences (pour la recherche, l’innovation …), les pôles de compétitivité sur les campus de recherche doivent devenir les cadres de la privatisation de la recherche publique, qui nécessite la remise en cause des statuts des personnels en s’appuyant sur la Charte européenne des chercheurs qui veut imposer aux chercheurs fonctionnaires les lois et contraintes des salariés du secteur privé.

9°) - L’AFPA : de la régionalisation à la privatisation

La mise en œuvre de la loi « sur les responsabilités locales « en transférant aux Régions les budgets de la Formation Professionnelle », a pour conséquence de mener l’Association pour la Formation Professionnelle des Adultes à son démantèlement. Avec la disparition programmée de cet organisme issu des acquis de la libération, c’est le service public de la FPA (Formation Professionnelle des Adultes), dont la mission principale est la formation qualifiante et la délivrance de titres du Ministère du Travail, qui disparaîtra. Aujourd’hui cette activité représente 80 % du budget de l’AFPA. A partir de 2009, avec l’abandon de la ligne budgétaire votée par le Parlement, les Régions procéderont par appels d’offres, dans le cadre du code des marchés publics, pour attribuer les actions de formation mises en œuvre aujourd’hui par l’AFPA. Mise en en concurrence sur le marché de la formation, l’AFPA n’aura, dès lors, plus aucune certitude d’être retenue dans le choix des Conseils Régionaux. C’est donc bien à la privatisation et au démantèlement de l’AFPA que mènera la régionalisation avec toutes les conséquences sur l’Emploi : des milliers d’emplois sont en jeu.

Conclusion : Ces quelques exemples donnent la mesure de l’ampleur des remises en cause. Ils s’inscrivent dans un processus qui n’épargne aucun des secteurs de la classe ouvrière, et nous pourrions les relier à tout ce que vivent les autres salariés. Ces contre-réformes, touchant un secteur du département qui regroupe presque 10 000 salariés, et concernant directement plusieurs dizaines de milliers de jeunes et d’adultes, sont au centre des préoccupations de notre Union Départementale qui a su répondre présent à chaque fois que nécessaire pour soutenir, aider l’information et la mobilisation visant à les battre en brèche. Nul doute que les syndicats concernés, avec tous leurs militants, seront disponibles pour la réussite d’une initiative de l’UD et de notre Confédération à la hauteur des attaques gouvernementales et patronales dont sont l’objet l’ensemble des salariés. Nîmes, le 28 janvier 2006

Georges CARBONNELL Bureau de l’Union Départementale du Gard.