Représentativité – Quelques éléments de réponse de la Cour de cassation 1/2

, par udfo30

Suite aux nombreux vides juridiques laissés par la loi du 20 août 2008 « portant rénovation de la démocratie sociale », la Cour de cassation vient d’apporter quelques éléments de réponse par 4 arrêts du 8 juillet 2009.

1. Le syndicat doit-il révéler le nom de ses adhérents à l’employeur pour attester de l’existence d’une section syndicale ?

La réponse attendue à cette question constitue l’apport majeur des solutions rendues.

La loi du 20 août 2008 a, en effet, prévu que, pour constituer une section syndicale, le syndicat doit avoir plusieurs adhérents, ce qui soulevait la délicate question de savoir comment le syndicat devait attester de cette condition.

Certains tribunaux d’instance ont appliqué une ancienne jurisprudence au titre de laquelle le syndicat doit livrer le nom de ses adhérents contradictoirement (c’est-à-dire à la partie adverse et au juge), sauf risque de représailles qui autorise alors à ne divulguer les noms qu’au juge.

La Cour de cassation, saisie de cette question, énonce que « l’adhésion du salarié à un syndicat relève de sa vie personnelle et ne peut être divulguée sans son accord ».

Ainsi, à défaut d’accord de l’adhérent, « le syndicat qui entend créer ou démontrer l’existence d’une section syndicale dans une entreprise, alors que sa présence y est contestée ne peut produire ou être contraint de produire une liste nominative de ses adhérents ».

La Cour ajoute, « qu’en cas de contestation sur l’existence d’une section syndicale, le syndicat doit apporter les éléments de preuve utiles à établir la présence d’au moins deux adhérents dans l’entreprise, dans le respect du contradictoire, à l’exclusion des éléments susceptibles de permettre l’identification des adhérents du syndicat, dont seul le juge peut prendre connaissance ».

Arrêt Société Okaidi, n°1829, Cass. Soc. 8 juillet 2009 (09-60.011, 09-60.031, 09-60.032).

Conséquences :

 La jurisprudence ancienne selon laquelle, la seule désignation du délégué syndical suffit à établir l’existence d’une section syndicale (Cass. Soc. 27 mai 1997) est abandonnée.
 Le risque de représailles n’est pas à établir pour être dispensé de communiquer le nom des adhérents à l’employeur.
Conduite à tenir en cas de contestation :

 Pour apporter la preuve de la présence de plusieurs adhérents sans en communiquer la liste à l’employeur, il convient de mentionner le défaut d’accord ou le silence des adhérents en cause et de présenter des éléments de preuve, tels des éléments comptables.
 Si des éléments permettant d’identifier un adhérent doivent être communiqués, ils ne le seront qu’au juge.

2. Quelques précisions concernant les règles de constitution de la section syndicale et son représentant

La Cour de cassation confirme l’interprétation de Force Ouvrière selon laquelle l’exigence d’avoir « plusieurs » adhérents s’entend de la présence « d’au moins deux adhérents ».

De plus, les nouvelles règles, conditionnant la création de la section syndicale à la présence de plusieurs adhérents (nouvel article L. 2142-1 du Code du travail), sont applicables immédiatement.

Ainsi, tout syndicat, y compris ceux affiliés à une confédération reconnue représentative au plan national, doit justifier d’au moins 2 adhérents pour établir la preuve de l’existence ou de la création d’une section syndicale, même si les élections postérieures à la loi du 20 août 2008 n’ont pas encore eu lieu.

Arrêt Société Okaidi, n°1829, Cass. Soc. 8 juillet 2009 (09-60.011, 09-60.031, 09-60.032).

La constitution de la section syndicale n’a pas à précéder la désignation du représentant de la section syndicale, elle peut être concomitante.

Arrêt Véolia, n°1830, Cass. Soc. 8 juillet 2009 (08-60.599).

Conseil : S’assurer de l’existence d’au moins 2 adhérents au moment de la désignation du représentant de la section syndicale ou du délégué syndical, désignations qui exigent l’existence d’une section syndicale.

S’agissant de la désignation du représentant syndical, la Cour de cassation considère, tout comme pour le délégué syndical, que « la lettre de désignation fixe les limites du litige et que le juge ne peut apprécier la validité de la désignation d’un délégué ou représentant syndical en dehors du cadre défini par cette lettre ».

Conseil : Il convient donc d’être vigilant au cadre de désignation (entreprise ou établissement) et de le préciser dans la lettre de désignation, sous peine de nullité. En effet, c’est dans ce cadre que les conditions nécessaires à la création de la section syndicale, dont notamment le nombre d’adhérents, seront appréciées.

Arrêt BNP, n°1827, Cass. Soc. 8 juillet 2009 (09-60.048).

3. Confirmation concernant la désignation d’un représentant syndical au comité d’entreprise

Dans les entreprises de plus de 300 salariés, le nouvel article L. 2324-2 du Code du travail est d’application directe.

Ainsi, le syndicat disposant d’au moins deux élus au CE peut désigner un représentant syndical au CE, sans avoir à remplir la condition de représentativité.

Arrêt Solidaires, n°1831, Cass. Soc. 8 juillet 2009 (09-60.015). 4. Durant la période transitoire, peut-on contester la représentativité d’un syndicat affilié à une confédération reconnue représentative au plan national antérieurement à la loi du 20 août 2008 ?

Ainsi que Force Ouvrière le supposait, la Cour de cassation a confirmé que la présomption de représentativité demeure irréfragable, c’est-à-dire qu’aucune preuve contraire ne peut être rapportée, « jusqu’aux résultats des premières élections professionnelles dans l’entreprise ou l’établissement ».

Ainsi, la représentativité d’un syndicat affilié à une confédération reconnue représentative au plan national ne peut être contestée tant que les élections postérieures à la loi du 20 août 2008 n’ont pas eu lieu.

Arrêt Société Okaidi, n°1829, Cass. Soc. 8 juillet 2009 (09-60.011, 09-60.031, 09-60.032).

5. Précisions relatives au critère de respect des valeurs républicaines

Au même titre que le critère d’indépendance, le non respect des valeurs républicaines doit être prouvé par celui qui le conteste.

Arrêt Véolia, n°1830, Cass. Soc. 8 juillet 2009 (08-60.599).

Nous vous tiendrons informés au fur et à mesure des décisions de la Cour de cassation apportant des précisions indispensables à l’application d’une loi aux contours incertains.