Représentativité syndicale : quelques éléments de réponse de la cour de cassation 2/2

, par udfo30

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Représentativité : la Cour de cassation se positionne !

I- L’interprétation des dispositions transitoires par la Cour de cassation
A – Sur la présomption de représentativité
B – Sur la preuve de la section syndicale
C – Sur la désignation d’un représentant syndical au comité d’entreprise

II- Lorsque de nouvelles élections professionnelles ont été organisées depuis la publication de la loi
A – Sur la preuve de l’existence de la section syndicale
B – Sur le représentant de la section syndicale
C – Sur le respect des valeurs républicaines
D – Sur le champ professionnel et géographique du syndicat


Représentativité : la Cour de cassation se positionne !

La loi portant rénovation de la démocratie sociale a bouleversé tous les repères connus en matière de droit syndical et a suscité de nombreuses questions

La Cour de cassation vient de rendre plusieurs arrêts – dont 4 font l’objet d’une publication sur son site – répondant ainsi à certaines de ces questions posées.

Mais toutes les réponses ne sont pas apportées. C’est l’occasion de faire le point sur le positionnement de la cour.

Les positions prises par la Cour de cassation peuvent être classées en deux thèmes : les questions issues des dispositions transitoires inscrites dans la loi elle-même et les questions inhérentes à toute loi nouvelle.

I- L’interprétation des dispositions transitoires par la Cour de cassation

La loi n°2008-789 portant rénovation de la démocratie sociale n’étant applicable qu’à compter de l’organisation de nouvelles élections professionnelles dans l’entreprise après sa publication, elle a dû organiser une survie de l’ancienne législation autour de plusieurs thèmes.

A – Sur la présomption de représentativité

La loi a fixé de nouvelles règles de détermination de la représentativité des organisations syndicales aux différents niveaux de négociation (entreprise, branche professionnelle et au niveau interprofessionnel).

Cette représentativité s’apprécie, au niveau de l’entreprise en fonction des résultats aux élections professionnelles du comité d’entreprise, de la délégation unique du personnel ou, à défaut des délégués du personnel.

Mais la loi a également prévu de manière transitoire , c’est-à-dire jusqu’à l’organisation des premières élections professionnelles après la publication de la loi, que les syndicats affiliés aux 5 organisations syndicales reconnues représentatives au moment de sa publication (CGT-FO, CGT, CFDT, CFTC, et CFE-CGC pour le collège cadres) conserveraient leur présomption de représentativité attribuée par l’arrêté de 1966.

Pour rappel, le principe de la représentativité est une question primordiale car c’est cette représentativité qui va conditionner l’obligation d’invitation des organisations syndicales appelées à négocier et signer les accords d’entreprise et à présenter des candidats au premier tour des élections professionnelles.

Cependant, la question était posée de savoir si cette présomption était simple (pouvant faire l’objet de la preuve contraire) ou irréfragable (ne pouvant pas faire l’objet de la preuve contraire) comme cela était le cas avant la loi.

La Cour de cassation décide d’appliquer, dans le silence de la loi, le régime ancien dans son intégralité : la présomption de représentativité attribuée pendant le régime transitoire est une présomption irréfragable .

Ainsi, tant que de nouvelles élections n’ont pas été organisées à compter de la publication de la loi, les 5 organisations syndicales doivent être invitées à négocier le protocole d’accord préélectoral.

B – Sur la preuve de la section syndicale

La loi impose, désormais, l’existence d’une section syndicale pour pouvoir désigner un délégué syndical.

De manière transitoire l’article 13 §2 prévoit que les règles anciennes de désignation du délégué syndical demeurent tant que de nouvelles élections professionnelles n’interviennent pas après la loi du 20 août 2008, en faisant référence aux articles L.2143-3 et L.2443-6 anciens du code du travail : « Jusqu’aux résultats des premières élections professionnelles organisées dans les entreprises ou les établissements pour lesquels la date fixée pour la négociation du protocole préélectoral est postérieure à la publication de la présente loi, chaque syndicat représentatif dans l’entreprise ou l’établissement à la date de cette publication peut désigner un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès de l’employeur, conformément aux articles L.2143-3 et L.2143-6 du code du travail dans leur rédaction antérieure à ladite publication. ».

L’article L.2143-3 dans son ancienne version disposait :

« Chaque syndicat représentatif qui constitue une section syndicale dans les établissements de cinquante salariés ou plus désigne, dans les limites fixées à l’article L.2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès de l’employeur.

La désignation d’un délégué syndical peut intervenir lorsque l’effectif de cinquante salariés ou plus a été atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes. »

L’article L.2143-6 disposait quant à lui :

« Dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un délégué du personnel comme délégué syndical.

Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n’ouvre pas droit à un crédit d’heures. Le temps dont dispose le délégué du personnel pour l’exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l’exercice de ses fonctions de délégué syndical. »

La jurisprudence issue de l’interprétation de l’article L.412-11 avait considéré que la simple désignation du délégué syndical suffisait à établir l’existence d’une section syndicale .

La question se posait donc de savoir si l’on appliquait toutes les règles anciennes, jurisprudence incluse, et ainsi la simple désignation du délégué syndical valait création de la section syndicale, ou s’il fallait tout de même constituer une section syndicale et en faire la preuve avant de désigner un délégué syndical ?

La jurisprudence étant une interprétation de la loi, elle devait s’intégrer dans l’application de l’ancien article L.412-11 devenu – en partie – l’article L.2143-3 du code du travail.

La Cour de cassation en a décidé autrement et fait, une application distributive et rétroactive de la loi du 20 août 2008.

Selon elle, si les règles anciennes demeurent, l’existence d’une section syndicale doit tout de même être rapportée car ce nouvel article (art. L.2142-1 du code du travail) est d’application immédiate .

Elle applique l’ancien article L2143-3 du code du travail sur la désignation c’est-à-dire en excluant le critère d’audience de 10% sur le syndicat et sur la personne désignée mais comme cet article fait référence à la section syndicale, elle applique le nouvel article L2142-1 du code du travail sur l’existence de la section syndicale.

C – Sur la désignation d’un représentant syndical au comité d’entreprise

La loi impose que le syndicat qui veut désigner un représentant syndical au comité d’entreprise ait des élus à ce comité. Avant la loi portant rénovation de démocratie sociale, tout syndicat représentatif pouvait désigner un représentant syndical au comité d’entreprise.

Cette disposition s’applique-t-elle immédiatement ou faut-il attendre que de nouvelles élections professionnelles aient lieu ?

On pouvait considérer que cette disposition ne s’applique pas immédiatement dans la mesure où elle fait référence à l’existence d’élus au comité d’entreprise et donc par extension à des élections professionnelles.

La Cour de cassation n’est pas du même avis et applique strictement la loi qui n’a pas prévu de période transitoire pour la désignation du représentant syndical au comité d’entreprise : Cette disposition s’applique immédiatement c’est-à-dire même s’il n’y a pas eu de nouvelles élections professionnelles .

II- Lorsque de nouvelles élections professionnelles ont été organisées depuis la publication de la loi

Il est nécessaire de connaître l’évolution jurisprudentielle afin de mieux comprendre les risques d’interprétation de la nouvelle loi que la Cour de cassation a entendus enrayer.

A – Sur la preuve de l’existence de la section syndicale

a) Retour en arrière sur la section syndicale

Avant 1968, il n’existait pas de représentation syndicale interne à l’entreprise, même si certaines entreprises avaient accordé des moyens aux organisations syndicales afin qu’elles puissent exercer leur activité (création notamment de sections syndicales).

Il a fallu attendre la loi du 27 décembre 1968 pour que le Parlement vote à la quasi-unanimité une loi de « reconnaissance de la section syndicale d’entreprise ». Critiquable sur certains aspects, ce texte législatif a eu pour mérite essentiel de lever ce paradoxe, qui voulait que le droit syndical et l’action syndicale soient reconnus par la Constitution mais inexistants juridiquement dans l’entreprise.

La section syndicale, démembrement du syndicat dans l’entreprise, se voulait comme une « boîte à outils » permettant aux adhérents de l’organisation syndicale d’agir concrètement dans l’entreprise. Cependant, la reconnaissance juridique du délégué syndical d’entreprise devenait un corollaire indispensable au bon fonctionnement de la section, voire à son existence pratique.

En effet, cette dernière ne peut, bien souvent, fonctionner sans ce représentant désigné par le syndicat et qui bénéficie d’une protection exorbitante du droit commun.

C’est ainsi que le législateur a relié étroitement existence de la section syndicale et désignation du délégué syndical. En effet, l’ancien article L.412-10 du code du travail disposait que : « chaque syndicat représentatif ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise désigne dans les conditions fixées ci-après un ou plusieurs délégués pour le représenter auprès des chefs d’entreprise ».

C’est à partir de cette nouvelle donne législative que la Cour de cassation va construire sa jurisprudence concernant la désignation du délégué syndical et la preuve de l’existence de la section syndicale.

La lecture du texte de l’article L.412-10 a tout de suite donné lieu à une controverse doctrinale, l’utilisation du participe présent laissant en effet à penser que la création de la section syndicale devait être préalable à la désignation. Cependant, dans la mesure où aucun formalisme n’était requis pour la constitution d’une section syndicale, la Cour de cassation indiquait dans un arrêt du 12 février 1970, que la désignation du délégué syndical suffisait à justifier de la constitution de la section syndicale. Certains auteurs en tiraient des conclusions tout à fait significatives : « cela signifie qu’il suffit que le syndicat ait dans l’entreprise, ou dans l’établissement, un adhérent acceptant les fonctions de délégué syndical pour pouvoir jouir des droits découlant de la constitution de la section syndicale : ce délégué pourra recruter des adhérents en collectant leurs cotisations à l’intérieur de l’entreprise, jouir du local réservé aux délégués, afficher des communications syndicales. Protégé par un statut de délégué, il assurera l’implantation du syndicat, sans que celui-ci ait à justifier du nom et du nombre de ses adhérents » .

Et cet auteur concluait que l’on arrivait à un renversement de l’article : ce n’est plus : chaque syndicat qui constitue une section syndicale peut désigner un délégué syndical mais chaque syndicat qui désigne un délégué syndical constitue par là-même une section syndicale.

Toutefois, après cette décision, la chambre sociale évoluait sensiblement en exigeant que soit établie « l’existence de fait d’une section syndicale » ou « l’intention de la constituer » .

La loi du 28 octobre 1982 tentait de mettre fin aux ambiguïtés issues du texte antérieur, le nouvel article L.412-11, énonçait ainsi que « chaque syndicat représentatif qui constitue une section syndicale dans les entreprises et organismes visés par l’article L.412-1 qui emploient au moins cinquante salariés désigne, dans les limites fixées à l’article L.412-13, un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès du chef d’entreprise ».

La notion d’antériorité disparaissait mais la jurisprudence, si elle reconnaissait le principe de concomitance, n’allait pas tirer toutes les conséquences de cette modification législative. La chambre sociale décidait ainsi que le juge devait rechercher si, à côté du délégué syndical désigné, un ou plusieurs salariés avaient manifesté l’intention de se grouper en vue d’exercer une action syndicale commune . Mais cette recherche « d’une action commune » est vite apparue comme incertaine alors que l’acte d’adhésion exprime la plupart du temps une volonté clairement affirmée d’exercer une activité syndicale.

C’est pourquoi un nouvel infléchissement se produisit lorsque la Cour de cassation décidait que « l’adhésion par un certain nombre de salariés au syndicat suffisait à établir l’existence d’une section syndicale en voie de formation » . Elle précisait par la suite sa jurisprudence en estimant que l’adhésion de deux salariés suffisait à caractériser l’existence d’une section syndicale en voie de formation . A contrario, la Cour suprême estimait que l’adhésion du seul délégué syndical ne suffisait pas .

Cet obstacle a été franchi avec les arrêts du 27 mai 1997 : la simple désignation valait preuve de l’existence d’une section syndicale avec tous les attributs qui lui sont attachés.

Les conséquences juridiques et pratiques de cette décision étaient remarquables à plus d’un titre.

D’un point de vue pratique, cette solution a eu pour effet de réduire considérablement le nombre de litiges sur la désignation des délégués syndicaux. En effet, la plupart des instances soumises au tribunal portait sur la preuve de l’existence de la section syndicale.

Ainsi, on pouvait estimer qu’il y avait une volonté manifeste pour la Cour de cassation de désengorger la chambre sociale de ce type de dossier.

D’un point de vue juridique, deux considérations retiennent notre attention. Premièrement, cet arrêt mettait un point final à la notion de risque de représailles telle qu’elle était définie par les tribunaux. Dans le cadre d’une contestation, il appartenait au syndicat d’apporter la preuve de l’existence d’une section syndicale et dans la mesure où cette dernière était constituée avec seulement deux adhérents, il suffisait au syndicat de produire à l’audience les bulletins d’adhésion afin de démontrer cette existence. Or, dévoiler à l’employeur le nombre et le nom des adhérents pouvait s’avérer extrêmement dangereux pour la survie de la section et le devenir des salariés. C’est pourquoi, la plupart du temps, les organisations syndicales refusaient de délivrer à l’audience la liste des adhérents. Mais ce refus se heurtait au principe du contradictoire qui veut que toutes les pièces de l’une des parties soient transmises à son adversaire. Il devenait donc indispensable que le syndicat prouve qu’il existait un risque de représailles. Nous avions déjà, à l’époque, fortement critiqué cette solution de la chambre sociale . Comment, en effet, prouver qu’il existe un risque de représailles dans la mesure où, justement, les salariés refusent de témoigner par crainte des sanctions ou de licenciement ? En outre, le fait même de contester en justice la désignation d’un délégué syndical, ne constitue-t-il pas un risque de représailles ?

Enfin, il apparaissait pour le moins choquant que les juges privilégient, la plupart du temps, le principe du contradictoire à l’encontre du droit constitutionnel pour tout individu de « défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et [d’] adhérer au syndicat de son choix ».

Deuxièmement, avec les arrêts du 27 mai 1997, la chambre sociale consacrait l’esprit originel des lois de 1968 et 1982 : Permettre aux organisations syndicales de jouer pleinement leur rôle dans toutes les entreprises pour la défense des intérêts matériels et moraux des salariés.

« Mais, prenons pour l’instant les décisions de la chambre sociale à leur juste valeur : la reconnaissance pour chaque individu de sauvegarder ses droits individuels par le biais de l’action collective, le délégué syndical s’inscrivant, dans ce cadre, comme le premier maillon de la chaîne syndicale dans l’entreprise. »

La loi du 20 août 2008 risquait de remettre l’ancienne jurisprudence d’avant 1997 en action.

b) La loi nouvelle et la section syndicale

Comme nous l’avons vu, la Haute cour a jugé que la preuve de l’existence de la section syndicale ne pouvait plus être rapportée par la simple désignation du délégué syndical pendant la période transitoire.

La même question lui étant posée en dehors de la période transitoire, la Cour de cassation pouvait prendre la décision d’opérer un retour en arrière de plus de quarante ans mais elle ne l’a pas fait.

Plusieurs questions se posaient. La preuve de l’existence de cette section syndicale doit être rapportée par le nombre d’adhérents ce qui pouvait impliquer la divulgation des noms des adhérents (avec le retour à la jurisprudence sur la notion de « risque de représailles » qui permettait au syndicat de ne pas divulguer les noms de ses adhérents) et le moment de la désignation.

Le nombre d’adhérents

L’existence de la section syndicale est rapportée selon l’article L.2142-1 par la présence de plusieurs adhérents.

« Plusieurs » signifie-t-il deux ou plus ?

Comme nous l’avons vu, sous l’empire de l’ancienne législation la Cour de cassation avait estimé que l’adhésion de deux salariés suffisait à caractériser l’existence d’une section syndicale en voie de formation A contrario, la Cour suprême estimait que l’adhésion du seul délégué syndical ne suffisait pas .

La Cour de cassation opère donc bien un retour en arrière en précisant que deux adhérents suffisent pour démontrer cette existence

_Le nom des adhérents

Pour prouver l’existence d’adhérents, le syndicat doit-il fournir leurs noms ? Cette question était d’importance et risquait de faire resurgir tout le contentieux sur le risque de représailles d’avant 1997.

La nécessité imposée par cette loi de fournir, au juge, en cas de litige, les bulletins d’adhésion risquait de faire prédominer le principe du contradictoire (principe général du droit) sur la liberté syndicale (principe à valeur constitutionnelle) !

Divers arguments allaient à l’encontre de cette prédominance :

 comme le rappelait justement Jean-Maurice Verdier à l’époque : « lorsque l’employeur conteste la désignation d’un délégué syndical en raison de l’absence de section syndicale au moins en voie de formation, c’est, en vertu de la jurisprudence, au syndicat, auteur de la désignation, qu’il incombe d’établir la présence d’une section, par exception – critiquable – à la règle « actori incumbit probatio » » (la preuve incombe au demandeur donc à l’employeur, puisque c’est lui qui sous-entend que le syndicat n’a pas d’adhérents) ;

 que ce soit la crainte de représailles ou le risque de représailles, le danger est toujours là et surtout, cette crainte ne peut être démontrée qu’a posteriori ; quoi de plus facile pour un employeur qui conteste la désignation d’un délégué syndical d’avoir les noms des adhérents du futur syndicat et ainsi, de pouvoir exercer des moyens de pression à leur encontre et ainsi de tuer dans l’œuf des vocations syndicales futures qui n’ont pas de protection en tant qu’adhérent ;

 dans un arrêt du 13 mai 1969, la Cour de cassation avait sanctionné un employeur qui avait, dans un questionnaire d’embauche, posé des questions sur l’appartenance syndicale du candidat à l’emploi : « attendu qu’il est interdit à tout employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment l’embauche » .

En permettant, par le biais d’une contestation de la désignation d’un délégué syndical, à l’employeur d’avoir accès aux bulletins d’adhésions et par le fait aux noms des adhérents, le droit ne remet-il pas en cause le droit d’adhérer au syndicat de son choix et cela ne constitue-t-il pas une atteinte à la liberté syndicale ?

En effet, la liberté d’adhérer au syndicat de son choix n’est-elle pas entravée par la possibilité pour l’employeur de connaître le nom des adhérents ?

La Haute cour choisit une position médiane et fait primer le principe de liberté syndicale sur le principe du contradictoire :

« Vu l’alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article 9 du code civil et les articles L.2141-4 et L.2141-5 et L.2142-1 du code du travail ; Attendu que l’adhésion du salarié à un syndicat relève de sa vie personnelle et ne peut être divulguée sans son accord ; qu’à défaut d’un tel accord, le syndicat qui entend créer ou démontrer l’existence d’une section syndicale dans une entreprise, alors que sa présence y est contestée ne peut produire ou être contraint de produire une liste nominative de ses adhérents ; (…) Qu’il en résulte qu’en cas de contestation sur l’existence d’une section syndicale, le syndicat doit apporter les éléments de preuve utiles à établir la présence d’au moins deux adhérents dans l’entreprise, dans le respect du contradictoire, à l’exclusion des éléments susceptibles de permettre l’identification des adhérents du syndicat, dont seul le juge peut prendre connaissance ».

Comme le souligne la Cour de cassation dans son communiqué sur ces arrêts « la preuve de l’existence de ces deux adhérents répond à un régime procédural dérogatoire » .

Le moment

La preuve de l’existence de la section syndicale peut intervenir concomitamment à la désignation du délégué syndical.

B – Sur le représentant de la section syndicale

La Cour de cassation précise, si besoin était, que le syndicat qui désigne le représentant de la section syndicale doit réunir les critères fixés par les articles L.2142-1 et L.2142-1-1 du code du travail (« …chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise concernée peut constituer au sein de l’entreprise ou de l’établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres conformément à l’article L.2131-1 ») .

Nul besoin d’avoir obtenu les fameux 10% !

D’autre part, la lettre de désignation d’un représentant de section syndicale fixe les limites du litige et doit préciser le cadre de la désignation comme pour la désignation d’un délégué syndical.

C – Sur le respect des valeurs républicaines

Ce même arrêt précise que c’est à celui qui conteste ce respect par un syndicat de le prouver et non au syndicat de prouver qu’il respecte les valeurs républicaines.

Marie-Laure Morin, conseiller à la Cour de cassation explique que les valeurs républicaines sont une condition que toute organisation syndicale doit présenter pour pouvoir être qualifiée de syndicat. « Le critère des valeurs républicaines remplace le critère de l’attitude patriotique pendant l’occupation ; il s’inspire aussi de l’arrêt FNP de la chambre mixte dans lequel des syndicats contestaient que le Front national de la police puisse se prévaloir de la qualité de syndicat » .

D – Sur le champ professionnel et géographique du syndicat

La Cour rappelle que le syndicat ne peut exercer ses prérogatives que dans le cadre de son objet statutaire .

Il ne faut pas confondre spécialité du syndicat déterminée par ses statuts et représentativité du syndicat dans tous les établissements de l’entreprise.

Voici, en avant-première, l’interprétation de la Cour de cassation sur les difficultés d’application de la loi de démocratie sociale. Mais de nombreux problèmes demeurent, sans évoquer le problème de la centralisation des résultats électoraux afin de déterminer la représentativité nationale des organisations syndicales en 2013.

GF