Témoignage d’un médecin salarié (presse).

, par udfo30

Je suis médecin, italienne, en France depuis 2001 avec des parenthèses à l’étranger. J’ai rencontré mon mari au Soudan, dans l’humanitaire, et je l’ai suivi en France.

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J’ai travaillé comme libérale, assurant des remplacements pendant deux ans. Après, je suis partie encore, en Thaïlande, pour les camps de réfugiés birmans à la frontière thaïlandaise. Après, on est partis au Népal. Depuis 2006, je me suis réinstallée en France et j’ai cherché du travail. J’ai atterri dans une maison de retraite sanitaire, médico-sociale, dans un service de rééducation qui s’adresse à des personnes de tous âges. Elles viennent là à la suite de traumatismes, des interventions chirurgicales... C’est de la post-orthopédie. L’institution s’appelle maintenant BTP RMS, c’est-à-dire BTP Résidences Médico-Sociales. C’est la branche de la prévoyance du bâtiment et des travaux publics, PRO BTP, un organisme de protection sociale géré paritairement par les employeurs et les salariés.

J’y suis entrée en 2007 comme médecin généraliste et je fais de la rééducation. Il y a du confort à être salarié, il ne faut pas le nier. Être en libéral signifie gérer tout, sa petite maison et tout le reste. C’est vrai que ça peut être contraignant. Le salariat est aussi contraignant. On a des horaires plus réguliers, mais on a aussi des astreintes à tour de rôle, qu’on partage entre médecins, mais tout cela est codifié.

Ce qui pousse un médecin salarié à se syndiquer, c’est quelquefois des coups de gueule entre la direction et les salariés, mais c’est surtout le besoin de se défendre. On a eu un changement de notre convention collective en janvier 2008. Pour les médecins, certains acquis sont repris, mais en moins bien, particulièrement sur les astreintes médicales, leur rémunération, le tour de rôle, l’obligation. Quand on est à deux et demi ou trois pour assurer 365 jours par an, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ça revient souvent. Si on ajoute les obligations de la profession, ça devient un peu difficile à tolérer. Ça peut valoir pour un groupe de quinze personnes, de dix ou de cinq. Mais quand c’est réduit à deux et demie, deux personnes par moment, il faut avoir des conditions différentes. Alors, maintenant, les trois médecins, avec le médecin à mi-temps, sont syndiqués à la section FO de la résidence, avec les administratifs, les aides-soignants, le personnel technique. Pour ma part, je me suis syndiquée parce que je trouve qu’on est plus importants quand on parle à plusieurs. Dans la section syndicale, les médecins apportent un point de vue différent. On a parfois des arguments médicaux dans nos discussions, par exemple pour les conditions de travail des personnels de l’entretien, qui peuvent avoir une influence sur la santé des patients et des résidents. Quand il est question de réductions d’emploi, avoir l’avis de quelqu’un qui travaille dans le secteur médical ça peut être intéressant, parce qu’un administratif ne peut pas toujours voir toutes les conséquences.

J’aimerais bien que mes collègues médecins aient une vision plus collective du monde et de leur profession. C’est une profession dans laquelle on est porté à être seul, à avoir une responsabilité non partagée. Je crois qu’il est bien dommage qu’on soit si peu attentifs aux autres maillons de la chaîne. Je pense que, pour une personne dépendante, l’aide-soignant qui l’aide à faire sa toilette le matin est beaucoup plus important que le médecin qui lui prescrit un sirop pour sa toux ou qui l’oblige à prendre des médicaments tous les jours. Il faut une pratique collective qui intègre chacun dans la chaîne. C’est aussi ce que je cherche dans mon approche de l’action syndicale.

LIANA VALLATTA, MÉDECIN À BAGNOLET (SEINE-SAINT-DENIS)
Article paru dans FO Hebdo n°2889